samedi 5 septembre 2009

Finistère

Ah ! Qu'il sera bon de respirer l'air doux, l'air finistérien de cette prime nuit d'été.
Peut-être sera-ce mon dernier ici ? Non, ce sera mon dernier été ici !
Voici donc le dernier volet d'une étrange demi-décade estivale. Ces dernières années furent consacrées à de multiples turpitudes synonymes d’espoirs bousculés, et à mes retrouvailles avec l'écriture, aussi, et cette année,vais-je consacrer l'ultime à Toi, mon amante fidèle, multiface et polymorphe : Terre de toutes les faims, Terre de toutes les fins.
Je sens le goût si particulier de cette atmosphère se mêler à celui, âcre, de la fumée des blondes américaines, ou anglaises, enfin des blondes quoi... Il me rappelle ces nocturnes tabagies sur le balcon-toit en zinc qui donnait, depuis ma chambre de la maison Alavoine, au dessus de la rivière dont je distinguais, par les reflets de la lune, l'état de la marée, le gonflement de ses eaux par la force marine, ou au contraire les senteurs vaseuses de l'estran.
Il me rappelle les nuits campeuses des moulins verts, en aval, près des marais et de la digue, nos feux dans le verger, les tentes canadiennes, puis plus tard ces noces barbares et païennes, quand toi et moi nous sentions les maîtres du bout du monde. Comme à Gwendrez, la plage blanche où, la nuit, le vent semblait obéir à nos avertissements. Morgane et Merlin... Comme il est beau de rêver lorsque l'on a entre seize et vingt-deux ans, des folies plein notre cervelet qui nous font perdre l'équilibre sur le sable blanc, le sable de Gwendrez.
Ces choses que l'on perd sont les cercueils de nos jeunesses.
Pour ma part j'en garde les saveurs, tout en ayant le sentiment de sortir d'un grand rêve s'étant achevé en cauchemar. Ce sont toujours les cauchemars qui nous réveillent !
« L'épée dans les reins du dragon ! L'épée dans la Terre ! Plus de roi, plus de Terre »... « Plus de série pour le nombre un, la nécessité unique, le trépas père de l'angoisse » : Telle est la dernière leçon druidique parvenue jusqu'à nos jours.
Puis, improbable : L'éveil.
Je me suis donc rendu à Quimper, puis j'ai choisi d'aller un peu traîner mes guêtres au centre-ville. J'aime de la Venise de l'Ouest ses quais fleuris, ses petits ponts enjambant le Steir et l'Odet, ses ruelles médiévales aux assombrissant encorbellements, ses jolies jeunes femmes qui, quoique froides sont jolies. J'étais dans la vraie vie, celle du regard porté sur le vrai monde qu'on ne cherche pas à réinventer.
Quimper la belle, Quimper la hautaine, Quimper la bourgeoise notable endimanchée...
Quimper, courtisane antagoniste à Brest, femme d'un petit monde fait de petits meurtres entre amis de la bonne société, tandis que la fille facile de l'arsenal s'offre aux soirées arrosées de ses marins d'escale.
Le Finistère est ainsi mû par ces deux pôles, par ce Yin et ce Yang, cet ordre et ce chaos complémentaires qu'une voie express relie, véritable aorte d'un département abstrus que créa le comité de salut public.
Oh... Révolutions impotentes toutes en potences...
Et dans cette France en entonnoir, où le Nord diffère autant du Sud que Lille de Marseille, les kilomètres finistériens sont autant de lieues démultipliées où s'amoncèlent, heureux, d'autres lieux que ceux de ses deux féales dictatrices, comme une Terre entière aux deux pôles engoncés, une Terre torique en terres faées.
Plus loin, un peu plus à l'Ouest, vers le raz de Sein, il y a Pont-Croix, puis Audierne, Puis la baie des trépassés ouvrant son large bec, des pointes du Raz et du Van, pour manger l'île, puis l'Amérique, puis le monde entier.
Comme dans tout corps, toute extrémité est lieu de sensibilités et de saignements.
Le corps du vieux monde n'y échappe pas, et le Finistère en est le bout des doigts.

1 commentaire:

le bagnard a dit…

Ce n'est pas un bout du monde mais un Finistère